Blog

Quelles sont les nouvelles règles applicables aux influenceurs en matière de santé ?

September 12, 2023

La publicité via les réseaux sociaux connaît ces dernières années un véritable essor. Le recours aux influenceurs pour les fameux « placements de produits » sur Instagram, Facebook ou encore TikTok sont désormais légion et la santé n’est pas en reste.

 

Si cette activité était déjà juridiquement soumise aux règles de publicité et de promotion de biens et services telle que la réglementation de la publicité en faveur des médicaments, ces dernières étaient souvent méconnues.

 

Depuis le 10 juin 2023, l’activité des influenceurs fait désormais l’objet d’une réglementation qui lui est propre. La nouvelle loi n°2023-451 votée le 9 juin 2023 vient ainsi encadrer l’influence commerciale et lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Outre les règles propres à la communication, elle établit et clarifie les responsabilités de l’ensemble des acteurs.

 

Un cadre juridique à l’influence commerciale

 

L’activité d’influence commerciale par voie électronique est donc désormais définie par l’article 1er de cette loi comme l’activité qu’exercent les personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, mobilisent leur notoriété pour s’adresser au public par voie électronique afin de promouvoir directement ou indirectement au travers de contenus, des biens, des services ou une cause quelconque.

Quel régime pour les influenceurs en matière de produits santé ?

 

Peu d’originalité de ce côté-là, la loi procède par renvoi aux dispositions nationales et européennes applicables relatives à la diffusion de la publicité et de la promotion des biens et des services par voie de services de communication au public en ligne. L’article 3 vient en ce sens préciser que les influenceurs sont soumis aux mêmes règles concernant la publicité et la promotion de biens et de services que les autres acteurs de ce domaine qui utilisent d’autres moyens de communication. Sont notamment applicables à cette activité les réglementations relatives :

  • aux allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires,
  • à certaines boissons : boissons avec ajouts de sucres,de sel ou d’édulcorants de synthèse ou de produits alimentaires manufacturés ou encore les boissons alcoolisées,
  • au tabac, aux produits du tabac et aux produits du vapotage,
  • aux produits de santé : publicité en faveur médicaments à usage humain, des dispositifs médicaux et des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro.

Enfin, est également applicable à cette activité les dispositions de l’article L.121-4 du Code de la consommation proscrivant le fait de déclarer ou de donner l’impression que la vente d’un produit ou la fourniture d’un service est licite alors qu’elle ne l’est pas.

 

Des pratiques d’influence interdites pour certaines activités et procédés médicaux

 

L’article 4 de la loi interdit quant à lui aux influenceurs toute promotion, directe ou indirecte :

  • des actes, des procédés, des techniques et des méthodes à visée esthétique relatifs aux groupes de produits n’ayant pas de destination médicale prévue (dont la liste figure à l’annexe XVI du Règlement (UE) 2017/745 relatif aux dispositifs médicaux),
  • des interventions de chirurgie esthétique, y compris dans les établissements de santé,
  • des produits, d’actes, de procédés, de techniques et de méthodes présentés comme comparables, préférables ou substituables à des actes, des protocoles ou des prescriptions thérapeutiques,
  • de produits considérés comme produits de nicotine pouvant être consommés et composés,même partiellement, de nicotine
  • Est également interdite toute vente ou offre promotionnelle d’un produit ou toute rétribution en échange d’une inscription à des actions mentionnées à l’article L. 6323-6 du Code du travail

 

Quelles sanctions ?

La sanction prévue cas de violation de ces interdictions est une peine de 2 ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende, sous réserve des peines spécifiques prévues :

  • En cas de pratiques commerciales trompeuses sanctionnées à l’article L.132-2 du Code de la consommation.
  • En cas de manquement à l’article L. 6323-8-1 du Code du travail relatif à l’interdiction de toute prospection commerciale des titulaires d’un compte personnel de formation par message sur un service de réseaux sociaux en ligne.
  • Est également encourue la peine d’interdiction, définitive ou provisoire, suivant les modalités prévues à l’article 131-27 du Code pénal, d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ou l’activité d’influence commerciale par voie électronique.

 

Des sanctions déjà prononcées par la DGCCRF

 

Néanmoins, et sans attendre, dans son rôle de contrôle renforcé, la DGCCRF en constatant les infractions a favorisé le prononcé d’injonction de cesser ces pratiques commerciales trompeuses. Notamment, le 10 août, la répression des fraudes a épinglé plusieurs influenceurs faute de ne pas avoir précisé le caractère publicitaire de la publication et avoir « présenté comme licites les prestations de médecine esthétique d’une prestataire non qualifiée ». Cette injonction de cesser sert d’avertissement et de rappel à la loi avant le prononcé de ces sanctions plus sévères en cas de récidive. Ces injonctions et sanctions sont rendues publiques par la DGCCRF de manière à informer les consommateurs et inciter les influenceurs à respecter ces règles.

 

Les obligations d’information afférentes à la promotion de certains biens et services imposées aux influenceurs

 

Les obligations d’information et de transparence

 

L’article 5 de la loi impose ensuite aux influenceurs dans le cadre de leurs activités l'apposition d'un certain nombre d’obligations d’information et de transparence surtout contenu qu’ils diffusent, à savoir l’apposition des mentions :

  • « Publicité » ou « Collaboration commerciale » doit figurer à chaque fois qu’il fait la promotion de biens, de services ou d’une cause quelconque,
  • « Images retouchées » dès lors qu’il communique des contenus comprenant des images ayant fait l’objet d’une modification par des procédés de traitement d’image visant à affiner ou à épaissir la silhouette ou à modifier l’apparence du visage,
  • « Images virtuelles » s’il communique des contenus comprenant des images ayant fait l’objet d’une modification par tous procédés d’intelligence artificielle visant à représenter un visage ou une silhouette.

 

Toutes ces mentions doivent être claires + lisibles + identifiables sur l’image ou sur la vidéo, sous tous les formats, durant l’intégralité de la promotion.

Une obligation d’information précontractuelle pesant sur l’influenceur se livrant à la commercialisation de produits

 

L’article 6 de la loi soumet également les influenceurs dont l’activité est limitée à la seule commercialisation de produits et qui ne prennent pas en charge la livraison de ces produits aux dispositions de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (« LCEN ») et du code de la consommation relatives aux obligations précontractuelles du vendeur et à l’obligation de s’assurer de la disponibilité des produits et de leur licéité, notamment du fait qu’il ne s’agit pas de produits contrefaits.

 

La loi ajoute qu’ils sont responsables de plein droit à l’égard de l’acheteur, au sens de l’article 15 de la LCEN. Cela signifie que l’influenceur n’a pas à commettre de faute pour que sa responsabilité puisse être engagée. Il est responsable à l’égard de l’acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, et ce, que ces obligations soient à exécuter par lui-même ou par d’autres prestataires de services. Cette responsabilité ne l’empêche pas le cas échéant, d’exercer son droit de recours contre ces derniers.

L’encadrement de l’activité d’agent d’influenceur

 

L’activité d’agent d’influenceur est elle aussi désormais définie par la loi, comme l’activité qui consiste à représenter, à titre onéreux, les personnes physiques ou morales exerçant l’activité d’influence commerciale par voie électronique avec des personnes physiques ou morales et, le cas échéant, leurs mandataires,dans le but de promouvoir, à titre onéreux, des biens, des services ou une cause quelconque.

 L’article 7 impose à ces agents ou mandataires de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la défense des intérêts des personnes qu’ils représentent, pour éviter les situations de conflit d’intérêts et surtout pour garantir la conformité de leur activité à la loi du 9 juin 2023.

  1. Un encadrement des dispositions contractuelles régissant les relations agent influenceur

Nouveauté introduite par la loi, l’article 8 vient préciser les dispositions contractuelles régissant les contrats d’agents, imposant désormais un contrat écrit mentionnant notamment l’objet précis de la mission confiée et la contrepartie perçue.

 A noter qu’un décret viendra préciser les conditions dans lesquelles il pourra être dérogé à cette obligation contractuelle lorsque la rémunération ou l’avantage concédé est inférieure à un certain montant, qui sera lui aussi défini.

  1. Le principe d’une responsabilité solidaire

Point d’importance désormais posé par la loi : l’annonceur, son mandataire le cas échéant, l’influenceur et son agent ou mandataire sont solidairement responsables des dommages causés aux tiers dans l'exécution du contrat d'influence commerciale qui les lie.

  1. Spécificités des influenceurs non établis sur le territoire de l’Union européenne (« UE ») : l’obligation de désigner un mandataire

Les influenceurs qui ne sont pas établis sur le territoire d’un État membre de l’UE, doivent désigner par écrit une personne physique ou morale pour assurer une forme de représentation légale sur le territoire de l’UE. Cette personne sera notamment chargée de garantir la conformité des contrats ayant pour objet ou pour effet la mise en œuvre d’une activité d’influence commerciale par voie électronique visant notamment un public établi sur le territoire français et de répondre, en sus ou à la place de l’influenceur, à toutes les demandes émanant des autorités administratives ou judiciaires compétentes visant à la mise en conformité avec la loi du 9 juin2023.

Cette dernière devra souscrire une assurance civile garantissant les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile professionnelle, lorsque cette activité vise, même accessoirement, un public établi sur le territoire français.

Le professionnel de santé influenceur, points de vigilance

 

S’agissant enfin des professionnels de santé exerçant des activités d’influence, il doit être rappelé qu’en sus désormais des dispositions de la loi du 9 juin 2023, ces derniers demeurent soumis aux dispositions :

  • De la loi anti-cadeaux fixées aux articles L. 1453-3 et suivants du Code de la santé publique qui interdit et encadre l’octroi d’avantages et de rémunération des professionnels de santé lorsqu’ils sont accordés par des entreprises commercialisant des produits de santé. En substance cela signifie que certains avantages leur sont interdits, la rémunération doit être proportionnée, les conventions de prestations d’influence doivent être soumises aux instances ordinales dont ils relèvent préalablement à leur mise en œuvre.
  • De la transparence en santé prévue à l’article L. 1453-1 du même code, qui impose de rendre publique l’existence de ces conventions et le montant des avantages consentis.

 

Dans ce cadre, le Conseil national de l’ordre des médecins(« CNOM ») a récemment attiré l’attention sur le sujet des médecins influenceurs dans son rapport rendu sur le dispositif anti-cadeaux et rappelé que de telles prestations de services peuvent s’avérer contraire aux dispositions du code de déontologie médicale relatives à l’indépendance et à la dignité professionnelle.

DERNIERES PUBLICATIONS

Contactez-nous